Rencontres avec les valeurs de la bio & du développement durable
Monestevole…. Tribe Wanted «Vivre différemment pendant un certain temps»
Monestevole…. Tribe Wanted
«Vivre différemment pendant un certain temps»
Le point de départ, c’était un article dans le magazine allemand «Brigitte», lu il y a quelques années et qui est resté dans les tiroirs du bureau pendant plusieurs mois. Mais les traces de la lecture sont restées en pointillé dans ma mémoire traçant leur chemin : un jour j’irai visiter ce lieu : Monestevole, ferme italienne au fin fond de l’Ombrie, transformée en projet pilote d’agro-tourisme, de lieu de vie et de d’échange.
Majestueusement positionnée sur une colline à 600 mètres et entourée de 40 hectares de plantations d’olives, de pâturages, de vignes et de forêts de chêne, cette ferme datant du 15ème siècle en impose. On s’aperçoit très vite en arrivant que ce n’est pas seulement un lieu d’agro-tourisme à l’italienne, -particulèrement réussi-, mais un projet qui va bien au-delà des principes du tourisme durable.
«Ce n’est pas un hôtel, ce n’est pas un restaurant, non plus», nous dit Filippo, co-fondateur de Tribe Wanted et à la tête de l’équipe de Monestevole, en arrivant. En s’attablant au tables en bois surdimensionnées avec les autres visiteurs pour partager les repas dignes des plus grandes tables italiennes, version « slow food», on s’aperçoit très vite que la rencontre et l’échange sont les fondamentaux du projet.
Monestevole fait partie de l’organisation «Tribe Wanted», une structure qui crée des lieux de tourisme durable à vocation participative, avec un fil conducteur que l’on retrouve bien dans leur slogan : «live differently for a little while». Vivre différemment pendant un certain temps.
C’est un concept qui s’adresse à des voyageurs curieux, à des familles à la recherche d’espaces et d’authenticité, des créatifs en panne d’inspiration, à ceux qui ont besoin de déconnecter momentanément de leur réalité virtuelle ou… réelle.
Monestevole, c’est le troisième projet de Tribe Wanted, l’idée de départ en 2006, c’était de construire une communauté virtuelle de membres, -«la tribu»- qui participerait à la création de projets de tourisme responsable. Plusieurs projets ont ainsi vu le jour : un village de tourisme responsable au Sierra Leone élaboré avec la communauté locale des pêcheurs, la ferme à Monestevole en Italie et le projet le plus récent à Bali, la ferme Kukul, une construction en bambou, intégrant les principes de la permaculture dans leurs activités quotidiennes.
La particularité de ces projets, c’est qu’ils sont tous partiellement financés par du financement participatif, des contributions mensuelles (12 euros) de donateurs portent les projets à distance et permettent d’envisager d’autres projets similaires, ailleurs. L’adhésion à la tribu de Tribe Wanted vous donne droit à des réductions de 20% lors de séjours dans l’un des projets et vous permet également de voter pour les prochaines destinations et projets à soutenir.
Le fil conducteur de tous ces projets, c’est l’émergence de communautés rassemblées autour du principe du tourisme durable et de l’échange. Avec l’objectif de renforcer d’un côté les communautés locales en les impliquant dans des projets de tourisme responsable et durable et de l’autre créer des lieux uniques d’échanges qui amènent de nouvelles connaissances et qui inspirent tous les membres de la tribu qui y séjournent.
Revenons à nos moutons ou plutôt nos cochons de Monestevole. Le lieu est rythmé par les activités de la ferme, une grande partie des repas proviennent du jardin, l’accent est mis sur la production locale, afin de pouvoir fonctionner autant que possible en autarcie. Les cochons, les poules, les oliviers et les jardins cultivés en permaculture ne sont donc pas purement décoratifs et l’équipe de Monestevole s’affaire dès le petit matin. Pour les citadins «en manque de nature», c’est l’occasion de se reconnecter avec les éléments de la terre et le rythme des animaux en participant aux activités de la ferme.
Si vous le souhaitez, vous pouvez donc accompagner Andrea qui part nourrir les animaux tôt le matin ou prêter main forte en cuisine le midi ou le soir à Filippo et mémoriser quelques recettes remarquables au passage.
Si vous êtes plutôt dans une optique de farniente absolu, les hamacs et pelouses sont à votre disposition. Il faudra par contre les partager avec les petits chiens, toujours là pour jouer et créer l’ambiance.
Pour ceux qui souhaitent maintenir leurs activités sportives, vous pouvez tenter les cours de Pilates de Marsiella ou les cours de yoga d’Adrienne sur la pelouse avant de partir pour de longues balades et vous rafraichir ensuite dans la piscine qui surplombe la vallée…
Dans l’entrée, un panneau indique les activités quotidiennes (ramasser les oeufs, fabriquer les savons et gels douches, cours de yoga, balades), mais le degré d’implication et de participation dépend de vous et de vos envies.
La maison est également équipée de connexion wifi, un atout intéressant pour ceux qui viennent pour travailler ou qui «délocalisent» temporairement leur bureau. Depuis peu, Monestevole est également devenu un endroit très prisé pour de nombreux stages, tout le long de l’été, des associations ou professeurs de différentes pratiques viennent y séjourner avec leurs élèves : stage de yoga, cuisine, entreprenariat…
Un lieu à la fois d’ouverture et de rassemblement avec une signature unique, qui pourrait s’appeler : «j’y retournerai sans doute bientôt»….
Crédit Photos : Andreas Schebesta, Event Fotograf : http://www.der-eventfotograf.de/
Rencontre avec les valeurs authentiques de la bio – Le projet Sekem en Egypte
Il y a des lieux qui ne vous laissent pas indifférents, certains reviendront transformés de leur rencontre avec le désert, d’autres resteront longtemps imprégnés du dynamisme de Singapour… J’avais pour ma part choisi d’aller voir le projet SEKEM en Egypte l’année dernière. Au-delà de la balade touristique, cette visite s’est finalement avérée être une rencontre avec les valeurs authentiques de la bio ; efficaces, solidaires, modestes et…. visionnaires.
Dans un contexte de «greenwashing» où la moindre marque se pare des valeurs empruntées à l’agriculture biologique, où les voitures deviennent – par un coup de baguette marketing magique – des objets presque moins polluants que les vélos et où les opportunistes de tout bord ayant découverts les enjeux de la bio il y a quelques années seulement se présentent maintenant comme «pionniers» du mouvement, – un réajustement s’impose.
C’est à titre personnel que j’ai voulu passer quelques jours sur place avant de descendre vers la presqu’île du Sinaï; paysages magnifiques entre mer et désert où il fait bon passer des journées entières affalé dans des coussins de pacha à boire des jus de fruits frais…Lorsque j’arrive le soir à l’aéroport du Caire, je retrouve la sensation de cette ville qui grouille et ne dort jamais. Une mégalopole difficile à appréhender en quelques jours, surtout en été quand la pollution bat son plein. J’avais annoncé ma visite, un taxi m’attend à l’arrivée avec la pancarte SEKEM et m’amène à Belbeis, situé à une heure du Caire. Je retrouve également les poussées d’adrénaline face au trafic égyptien et au style de conduite plutôt imprévisible de la plupart de chauffeurs de taxi.
La symbolique de la maison ronde ou « comment faire fleurir ses projets dans le désert »
Quand j’arrive au gîte, la «guesthouse» de Sekem destiné aux visiteurs, je suis déjà sous le charme. La maison ronde bordée de bougainvilliers est construite autour d’un patio, un magnifique figuier planté au milieu. Une structure plus grande existe à proximité pour accueillir des groupes de visiteurs.
Le gîte a d’ailleurs une valeur presque symbolique, c’était la première maison construite par le fondateur de Sekem, Ibrahim Abouleish en 1977 lorsqu’il rachète un morceau de désert au nord du Caire, proche du canal d’Ismalia. Après des études de médecine et de chimie à Graz en Autriche, Ibrahim Abouleish travaille quelque temps dans la recherche pharmaceutique en Europe.
En 1975, il décide de revenir à ses sources et démarre ce projet communautaire avec sa femme, ses deux enfants et quelques amis. L’idée est simple et très ambitieuse à la fois ; développer un projet communautaire autour de l’agriculture biodynamique en Egypte, tout en oeuvrant pour le développement économique de la région et du pays. Sekem signifie «la vitalité du soleil», symbole qui rythme le quotidien des égyptiens depuis toujours. Il faut savoir composer avec sa force pour développer un projet d’agriculture dans un contexte environnemental plutôt défavorable.
Ce bout de terre aride dans le désert est devenu un projet résolument exemplaire qui emploie aujourd’hui plus de 2000 personnes et qui inclut des activités aussi diverses que l’élaboration de tisanes bio, de textiles en coton bio, l’exportation de fruits et de légumes bio, des centres de formations professionnels, une école, un centre médical dont profite toute la région. Une partie importante (autour de 50 %) des ventes se réalisent en Egypte même, ce qui renforce également la pérennité du projet.
Sekem est également à l’origine de différentes structures de santé et d’éducation, notamment en partenariat avec des assistantes sociales qui travaillent dans le milieu rural des alentours. Le projet Sekem bénéficie également d’un soutien actif à l’étranger, quelques bâtiments, comme celui du centre médical notamment, ont pu être financés grâce au soutien de médecins allemands. Mais le rêve initial et le courage nécessaire du début restent l’honneur et le mérite de Monsieur Abouleish (prix Nobel alternatif de 2005) qui impose sa vision et son projet avec beaucoup de ténacité, de respect … et d’humilité.
Lors de mes visites, j’ai pu rencontrer d’autres ‘pionniers’, des personnes qui ont quitté l’Allemagne il y a quelques décennies pour rejoindre le projet; c’est le cas d’Yvonne et de son mari Christophe qui au départ avaient surtout envie de donner un coup de pied dans la fourmilière du quotidien pour s‘associer à un véritable projet de développement. Leurs enfants ont finalement grandi sur place, suivi le cursus scolaire de Sekem et adopté la culture égyptienne. Le premier jour de la visite, j’ai pu faire le tour de la société Lotus qui commercialise épices, aromates et plantes séchées, tous certifiés bio DEMETER. Dès l’entrée, je suis agréablement surprise par l’espace, la lumière et les volumes accordés au bâtiment. Ayant vécu en Allemagne, je reconnais «la patte» des architectes inspirés par la philosophie de Rudolph Steiner. Bien plus qu’un simple hall d’accueil, l’endroit devient représentatif des valeurs portées par Sekem. Une odeur subtile de fenouil et de citronnelle flotte dans l’air. Une partie de la fabrication de Lotus part à l’étranger et les grandes marques du secteur des épices bio comme «Lebensbaum» sont clients de Sekem depuis des décennies.
Une démarche locale et globale qui fait sens
Lors du deuxième jour, j’ai pu faire le tour de la société CONYTEX et de ses ateliers de confection de vêtements en coton bio. De nombreuses femmes de la région travaillent dans ces ateliers qui confectionnent des vêtements pour bébés, des poupées et quelques vêtements pour adultes. Des partenariats durables avec des enseignes en Allemagne et aux Etats-Unis permettent de proposer des collections dessinées par les designers des marques.
Les salaires dans les entreprises de Sekem ne sont pas forcément plus élevés qu’ailleurs, mais l’emploi s’inscrit ici dans une démarche globale; repas subventionnés, possibilité de bénéficier des soins du centre médical, formation continue, cours d’alphabétisation. Une fois par mois, chaque entreprise a la possibilité de poser des questions à Ibrahim Abouleish, qui y répondra lors d’un meeting organisé spécifiquement pour l’entreprise. Difficile de faire mieux en terme de participation collective….
Ce jour-là, j’ai également pu assister à un spectacle de l’école; chants, danse, musique, théâtre, l’expression artistique sous toutes ses formes fait partie intégrante du cursus scolaire et les enfants y participent visiblement avec grand plaisir. Dommage que mes quelques cours d’arabe à la fac n’aient pas suffi pas pour comprendre les spectacles, car les plus petits des premiers rangs se tordent de rire à certains passages. Sans vouloir jouer la carte du «tout va bien dans un monde merveilleux…» l’énergie que dégage ce projet est particulièrement palpable à ce moment-là.
L’aventure des tisanes ISIS
La marque ISIS propose des tisanes bio élaborées chez Sekem, et lors du voyage qui suivra, elles m’accompagneront comme un fil rouge. Dans tous les lieux où je vais en Egypte, dans les épiceries des villages, dans les cafés des grandes villes, je vais retrouver des produits ISIS, du miel, du café et surtout ces fameuses tisanes, qui me seront même proposées à la dernière échoppe du sommet du Mont Sinaï.
Un clin d’oeil à une aventure qui se poursuit…